#ENMETOOFLOU
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Est-il possible de rendre compte de la manière dont un #enmetooflage bouleverse la vie d’une personne ?
Est-il possible de témoigner à la première personne sans tomber dans la dénonciation ou l’agressivité ?
Est-il possible de danser l’ostracisme, les lâchetés, les trahisons, les injustices, sans tomber dans la victimisation ?
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Des personnages s’entretiennent, partagent leurs vécus. L’un raconte comment être accusé ou simplement mis en cause rend coupable de toutes façons, que l’on garde le silence, que l’on se défende ou que l’on accuse.
Un autre dit avoir noté, jour après jour et pendant des années, les faits et les ressentis, les réflexions et les états d’âme et de corps sur le lent processus de deuil d’une vie construite pendant des décennies vers une inéluctable malédiction mortifère.
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Est-il possible pour un #enmetooflé de s’essayer à la vérité sans compromettre quiconque ?
Est-il possible de manier le documentaire, l’humour et la créativité avec un sujet si brûlant ?
Est-il possible d’esquisser des solutions en toute humilité mais en connaissance de cause ?
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Un troisième personnage, trop atteint par les dérives du mouvement, tout en reniant totalement le masculinisme ou les récupérations de l’extrême droite, dit avoir perdu sa confiance dans le féminisme et estime qu’il faut attendre que la bouc-émissarisation et la vengeance à l’oeuvre s’estompent pour pouvoir à nouveau se parler. Alors il part dans un soliloque digne d’intérêt.
Un quatrième parle de son sincère soutien au mouvement #metoo dès les premiers jours et comment il a réussi à dialoguer, essayer de comprendre, se remettre en question. Il propose la solution de dialogues constructifs proches de la justice restaurative et le modèle « Truth and reconciliation » afin de tendre vers une société basée sur la justice pour toutes et tous.
Acte 1
Scène Liberté
en se maquillant dans sa loge, il répéta sa réplique finale :
LE DROIT DES JUSTICES SACRIFICIELLES ET VINDICATIVES N’EST-IL PAS EN HAUT LIEUX CES JOURS ?
QUAND L’INVRAISEMBLANCE DEVIENT TON QUOTIDIEN est un mouvement de tête de cour à jardin qu’il exécutait avant chaque entrée en scène
POURRAIS-TU RETIRER CE COUTEAU QUE TU AS PLANTÉ DANS MON DOS ?
pour que je puisse m’incliner sans douleur contre les coulisses du temps
allongé dans une attitude soljenitsyne sur l’avant-scène en toute SOUS-SOLITUDE: APRÈS LA MORT SOCIALE, L’EXIL CHEZ SOI doit dire sans rire Jésus devant les feux de la rampe
les genoux serrés contre le faux pupitre, en aparté et très sérieusement, il dit au premier rang
CONJUGUE JE VOUS EMMERDE !
en chantant comme les demoiselles de rochefort à la fin du troisième acte
POURQUOI PAS ALLER VOUS RATER LÀ OÙ ÇA VOUS DÉRANGE…
GHOSTING ET AUTRES FANTÔMES
de l’opéra
TOXIQUES
MENTEUREUSES, BIEN ENTENDU*ES !
se dit-il en versant du champagne depuis les cintres à 20 mètres au-dessus des danseureuses en spectacle
sur les pendrillons il était écrit en tout petit :
INVISIBILISATIONS ET DISCRIMINATIONS INVERSÉES
L’OPPORTUNISME PEINARD
sous le cadre de scène
ET AUTRES LÂCHES TRAHISONS
dans la fosse d’orchestre
à l’entrée du personnage, il s’écria:
CAP OSTRACISME !
le public riê, ria et riu bêtement alors que lui-même se sentait si honni si triste si seul
MAUVAISE FOI, TOUTE !
pensa-t-il en saluant pour la dernière fois son public
EN MON ULTIME JOURNÉE DE DANSE
ENSORCELANT DÉSIR D’ÊTRE 無 (MU)
DANSER SES PLAIES DANS LES TOURBILLONS DE L’ARVIÈRE
Carnet de notes : Paraphrases Loup des Steppes :
Tout n’avait-il pas volé en éclats ; tout n’avait-il pas perdu son sens ? Je n’attends plus rien, je n’espère plus rien. Vide : les journées se succèdent, aussi grises et insignifiantes les unes que les autres plongées dans une atmosphère de silence et d’engourdissement total. Je me rends compte de cette tension insupportable entre mon incapacité à vivre et mon incapacité à mourir. Vivons-nous pour faire disparaître la mort ? Non, nous vivons pour la craindre puis pour l’aimer à nouveau. Et je me dis : « Il faut que quelqu’un me pousse à l’eau, puis me ramène à la vie. Tu exécuteras mon ordre : tu me tueras. »
l’ostracisme est pire qu’un cancer
le cancer est une attaque
à la régulière du sort
je le sais d’expérience
mais l’injuste opprobre
est un poison inoculé
jour après jour
chaque connaissance
en a la recette et la seringue
le poison s’infiltre dans tous les recoins de ton être
détruit toute certitude
élimine toute dignité
et fait de toi l’épave de toi-même
c’est assez dingue
deux trois quatre ans plus tard
tu as tout perdu
même ta capacité à comprendre
comment cela a-t-il pu t’arriver
…
ne demeure que la pirouette de la disparition
c’est comme si un maléfique génie
s’insinue dans chaque petite brèche de ta vie
force transformant tout en gouffre
inéluctablement de plus en plus gouffron
jusqu’à la rupture
tttt
Ta vie se retrouve sans dessus dessous
Traumatisé
T’es sonné toute la journée
Tous les jours
Tout te prend un temps fou
Tu perds la mémoire
Tu deviens susceptible
T’es hypersensible
Tu commences à faire chier tout le monde
Tu perds la mémoire
Tu te répètes comme un sénile
Tues tout toi ça ira mieux
Carnet de notes : Un, personne et cent mille :
p. 123 « Il n’est plus d’univers pour moi : je ne puis rien savoir du leur, celui dans lequel ils font semblant d’exister. »
p. 229 « Que ce ne soit pas la vérité pour nous, les autres n’en ont cure, du moment que c’est vrai pour eux. »
p. ??? « Pourquoi, lorsqu’on songe à se tuer, s’imagine-t-on mort, non plus pour soi, mais pour les autres ? À cette question, mon tourment affleura de nouveau à la surface de mes pensées, comme un cadavre de noyé, gonflé et livide. »
je sors de chez moi
la boule sans facettes au ventre
je ferme à clé mon être
je descends les escaliers de la société
le suicide
est la porte
d’une vie détruite
par la rumeur grinçante
et la diffamation dégondée
porte de sortie ?
non faut pas
faux-pas non malgré
chaque regard est un doigt d’honneur dans l’oeil
la mort sociale me croise
avec sa faux-semblant
je passe le pontage de mon coeur atrophié
le suicide social
avec son bras d’honni
dans l’âme
Carnet de notes : La Nausée :
la vraisemblance disparaît en même temps que les amis
ça fait 1500 jours que je me réveille
le corps à sept doulheures du matin
l’opprobre dans les yeux à la place du soleil
ces muscles qui dans les airs t’ont autrefois élevé
tout ce qu’ils ont pu de haut de bon de beau faire
devenus poussière de honte
endoloris du cruel regard flétrire
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balayé en un coup de délation
aboli pour l’éternité
la peine de mort sociale est totalement admise
c’est assez drôle
de penser qu’la condamnation à mort
ou la peine à perpétuité
c’est désormais normal
dès qu’t’es suspect
à tord ou à raison
ta peine
c’est perpèt’
Plus de désir de danser
L’apathie comme la léthargie ressentie face au deuil
T’accompagne jour après jour
Lever un doigt est le digne effort d’un haltérophile
pif paf pouf
t’as beau avoir dévoué ta vie à la danse
avoir créé du beau du bon du ballet
défendu des causes à travers ton engagement artistique
participé à la défense de ton métier
soutenu et aidé plein de gens
pouf pif paf
quelque murmure dans l’oreille sociale
que cela soit vrai ou non
en quelques instants
ta carrière et ta vie te font ciao à jamais
paf pouf pif
les déboires les mauvaises nouvelles les abandons les trahisons
…
qui a pu me jeter un tel sort
?
Acte 2
Être Dissolution