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Est-il possible de rendre compte de la manière dont le #rayagedelasociété d’une personne bouleverse sa vie ?
Est-il possible de témoigner à la première personne après un #ostracismexil sans tomber dans la dénonciation ou l’agressivité ?
Est-il possible de dire, ou mieux, danser les lâchetés, les trahisons, les injustices, sans tomber dans la victimisation d’un #accusésansprocès ?
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Dans « # », deux espaces de textes sont déployés. Des textes à performer par d’autres dans l’avenir.
Le premier espace, AFFLEURE DE POÈMES, réunit des textes surréalistes ou lyriques d’un #rayédelasociété; des bouts d’écrits intimistes, comme si on rentrait dans la tête et le corps d’un #ostracisexilé. Ces poésies à performer sont présentées greffées sur des dates imaginaires de spectacles sans lieu.
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Est-il possible pour un #enmetooflé de s’essayer à la vérité sans compromettre quiconque ?
Est-il possible de manier le documentaire, l’humour et la créativité avec le sujet si brûlant de l’#enmetooflage ?
Est-il possible d’esquisser des solutions pour sortir de situations #enmetoofloues, en toute humilité mais en connaissance de cause ?
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Le deuxième espace de textes, #ENMETOOFLOU – Un Docutémoi, met en scène une modératrice féministe et trois hommes.
Les quatre ont un lien à la danse. La modératrice est une chercheuse en danse dans la soixantaine.
Le premier homme est un États-Unien dans la quarantaine, ancien corps de ballet et enseignant de danse.
Le deuxième est un metteur en scène de théâtre et réalisateur de films français dans la cinquantaine; il a souvent abordé les questions du corps dansant.
Le troisième homme est un danseur-chorégraphe de la trentaine vivant en Allemagne.
Les quatre personnages échangent candidement sur leur expérience respective et témoignent de situations d’#enmetooflages dignes d’intérêt.
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Extraits:
« …. j’ai noté jour après jour, pendant des années, les faits, ressentis, réflexions, états d’âme… ceux du corps aussi d’ailleurs… tout ce qui au final devient comme un lent processus de deuil d’une vie construite pendant plusieurs décennies… tout ce qui tend au final vers une inéluctable malédiction mortifère… »
« … de toutes façons, que tu gardes le silence ou que tu te défendes, t’es coupable… t’es foutu… »
« … moi je déteste les récupérations de l’extrême droite, on parle même pas des néo-masculinismes, c’est grave tout ça ! mais les dérives de #metoo m’ont trop atteint… et éteint mon féminisme… »
« ….. j’ai soutenu sincèrement le mouvement #metoo dès les premiers jours, d’ailleurs j’ai toujours été un allié féministe … à l’époque j’ai écouté, j’ai dialogué…. mais désormais c’est pas facile parce que c’est comme si je peux pas être féministe comme avant ma mise à ban rires… comme si on m’a retiré mon droit de vouloir la justice pour toutes et tous… d’ailleurs je pense encore que la solution c’est des dialogues encadrés, constructifs, proches de la justice restaurative et le modèle ‘Truth and reconciliation’ … mais avec cette bouc-émissarisation, cet esprit vengeur, y a pas de dialogue possible »
AFFLEURE DE POÈMES
1 – Liber Colère
en se maquillant dans sa loge, il répéta sa réplique finale :
LE DROIT DES JUSTICES SACRIFICIELLES ET VINDICATIVES N’EST-IL PAS EN HAUT LIEUX CES JOURS ?
et il imagina le silence mortifère qui allait l’attendre
QUAND L’INVRAISEMBLANCE DEVIENT TON QUOTIDIEN est un mouvement de tête de cour à jardin qu’il exécutait avant chaque entrée en scène
POURRAIS-TU RETIRER CE COUTEAU QUE TU AS PLANTÉ DANS MON DOS ?
et il sentait cette douleur en s’accrochant aux coulisses
allongé dans une attitude soljenitsyne sur l’avant-scène en toute SOUS-SOLITUDE: APRÈS LA MORT SOCIALE, L’EXIL CHEZ SOI et il riait jaune de devoir dire cela sous les feux de la rampe
sur scène, les genoux serrés contre le faux pupitre, en aparté et très sérieusement, il dit au premier rang
CONJUGUE JE VOUS EMMERDE !
à la fin du troisième acte, chantant l’aria de
PERSONA NON GRATA LÀ OÙ ÇA VOUS DÉMANGE HAHAHAHA
il pleurait à l’intérieur de lui-même
ce passage de la pièce
GHOSTING ET AUTRES FANTÔMES TOXIQUES
lui faisait penser à un mauvais opéra
MENTEUREUSES, BIEN ENTENDU*ES !
se dit-il en versant du champagne depuis les cintres à 20 mètres au-dessus des danseuses en spectacle
sur les pendrillons il était écrit en tout petit :
INVISIBILISATIONS ET DISCRIMINATIONS INVERSÉES
il continua à lire
L’OPPORTUNISME PEINARD
sous le cadre de scène
ET AUTRES LÂCHES TRAHISONS
dans la fosse d’orchestre
à l’entrée du personnage, il devait s’écrier :
CAP OSTRACISME !
comme le public riê, ria et riu bêtement à toutes les représentations alors que lui-même se sentait si honni si triste si seul, il décida de ne plus le dire…
MAUVAISE FOI, TOUTE !
pensa-t-il en saluant pour la dernière fois son public, la mort dans l’âme
AFFLEURE DE POÈMES
2 – Dissolu Tristesse
EN MON ULTIME JOURNÉE DE DANSE
ENSORCELANT DÉSIR D’ÊTRE 無 (MU)
DANSER SES PLAIES DANS LES TOURBILLONS DE L’ARVIÈRE
Carnet de notes : Paraphrases Loup des Steppes :
Tout n’avait-il pas volé en éclats ; tout n’avait-il pas perdu son sens ? Je n’attends plus RIEN, je n’espère plus RIEN. VIDE : les journées se succèdent, aussi grises et insignifiantes les unes que les autres plongées dans une atmosphère de SILENCE et d’engourdissement total. Je me rends compte de cette tension insupportable entre mon incapacité à vivre et mon incapacité à MOURIR. Vivons-nous pour faire DISPARAÎTRE la mort ? Non, nous vivons pour la craindre puis pour l’aimer à nouveau. Et je me dis : « Il faut que quelqu’un me POUSSE À L’EAU, puis me ramène à la vie. Tu exécuteras mon ordre : tu me TUERAS. »
L’OSTRACISME est pire qu’un CANCER
le cancer est une attaque
à la régulière du SORT
je le sais d’expérience
mais l’injuste OPPROBRE
est un POISON inoculé
jour après jour
chaque connaissance
en a la recette et la seringue
le poison s’infiltre dans tous les recoins de ton être
détruit toute certitude
élimine toute dignité
et fait de toi L’ÉPAVE de toi-même
c’est assez dingue
deux trois quatre ans plus tard
tu as TOUT PERDU
même ta capacité à comprendre
comment cela a-t-il pu t’arriver
…
ne demeure que la pirouette de la DISPARITION
c’est comme si un MALÉFIQUE génie
s’insinue dans chaque petite brèche de ta vie
force transformant tout en GOUFFRE
inéluctablement de plus en plus GOUFFRON
jusqu’à la RUPTURE
Ta vie se retrouve SENS DESSUS DESSOUS
TRAUMATISÉ
T’ES SONNÉ toute la journée
Tous les jours
Tout te prend un temps fou
Tu PERDS LA MÉMOIRE
Tu deviens susceptible
T’es hypersensible
Tu commences à FAIRE CHIER tout le monde
Tu perds la mémoire
Tu te répètes comme un SÉNILE
TUES TOUT TOI ça ira mieux
Carnet de notes : UN, PERSONNE et cent mille :
p. 123 « Il N’EST PLUS d’univers pour moi : je ne puis RIEN savoir du leur, celui dans lequel ils font semblant d’exister. »
p. 229 « Que ce ne soit pas la vérité pour nous, les autres n’en ont cure, du moment que c’est vrai pour eux. »
p. ??? « Pourquoi, lorsqu’on songe à SE TUER, s’imagine-t-on MORT, non plus pour soi, mais pour les autres ? À cette question, mon tourment affleura de nouveau à la surface de mes pensées, comme un CADAVRE DE NOYÉ, gonflé et LIVIDE. »
je sors de chez moi
la boule sans facettes au ventre
je ferme à clé mon être
je descends les escaliers de la société
le SUICIDE
est la porte
d’une VIE DÉTRUITE
par la rumeur grinçante
et la diffamation dégondée
porte de sortie ?
non faut pas
faux-pas non MALGRÉ
chaque regard est un doigt d’honneur dans l’oeil
la MORT SOCIALE me croise
avec sa FAUX-semblant
je passe le pontage de mon coeur ATROPHIÉ
le SUICIDE SOCIAL
avec son bras d’honni
dans l’âme
Carnet de notes : La NAUSÉE :
la vraisemblance DISPARAÎT en même temps que les amis
ça fait 1500 jours que je me réveille
le corps à sept DOULHEURES du matin
L’IGNOMINIE dans les yeux à la place du soleil
ces muscles qui dans les airs t’ont autrefois élevé
tout ce qu’ils ont pu de haut de bon de beau faire
devenus POUSSIÈRE DE HONTE
endoloris du CRUEL regard flétrire
balayé en un coup de DÉLATION
ABOLI pour l’éternité
la PEINE DE MORT sociale est totalement admise
c’est assez drôle
de penser qu’la CONDAMNATION À MORT
ou la PEINE À PERPÉTUITÉ
c’est désormais normal
dès que tu es suspect
à tord ou à raison
ta PEINE
c’est PERPÈT’
PLUS DE DÉSIR de danser
L’APATHIE comme LA LÉTHARGIE ressenties face au DEUIL
T’accompagnent jour après jour
Lever un doigt est le digne EFFORT d’un haltérophile
MÊME LA MORT DES AUTRES NE T’AFFECTE PLUS
TU ES INDOLORE À LA SOUFRANCE
LA TIENNE LA SIENNE PLUS RIEN
PIF PAF POUF
t’as beau avoir dévoué ta vie à la danse
avoir créé du beau du bon du ballet
défendu des causes à travers ton engagement artistique
participé à la défense de ton métier
soutenu et aidé plein de gens
POUF PIF PAF
quelque murmure dans l’oreille sociale
que cela soit vrai ou non
en quelques instants
ta carrière et ta vie te font ciao à jamais
PAF POUF PIF
LES DÉBOIRES LES MAUVAISES NOUVELLES LES ABANDONS LES TRAHISONS
…
qui a pu me JETER un tel SORT
?
AFFLEURE DE POÈMES
2 – Dissolu Tristesse