CONSTALLATION

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L’oeil des coulisses

Ballet du Marquis de Cuevas : La Belle au bois dormant dont le pas de deux de l’Oiseau bleu, Le Beau Danube, Gaîté parisienne, Les Sylphides, Arlequinade, Le Spectre de la rose, Casse-noisette, Corrida, Pas de quatre. Grand théâtre de Bordeaux : Don Quichotte. Grand théâtre de Genève : Don Quichotte, Petrouchka.

Certaines séquences représentent une documentation unique de ces spectacles qui n’étaient tout simplement jamais filmés. En effet, au milieu des années 50, on ne faisait pas de captation vidéo comme on le fait automatiquement pour chaque spectacle aujourd’hui.

Nous sommes donc en face d’une jeune danseuse, Beatriz, qui aime de temps en temps capter la réalité avec sa nouvelle caméra 8mm – c’est peut-être sa carrière avortée d’actrice de cinéma qui lui a donné ce goût de filmer la réalité – et qui donne sa caméra à ses collègues lorsqu’elle danse certains rôles.

Ces séquences complètent en quelque sorte ses carnets remplis de liste des tournées, des ballets dansés, des distributions pour chaque spectacle et même des notations des chorégraphies de ses rôles avec dessin à l’appui (voir station 4 – dans les albums). Ils captent ses prestations mais par la même occasion des moments de l’histoire de la danse en train de s’écrire, notamment lorsqu’elle danse le pas de deux de l’Oiseau bleu avec Rudolf Noureev en 1961 : c’est probablement le seul document filmé des premiers spectacles de ce monstre de la danse après sa défection de l’URSS.

La qualité surannée des images et le silence du 8mm confèrent un aspect fantomatique à ces danses. Y apparaît aussi pendant des respirations séquentielles entre les danses de la pellicule qui se donne à voir comme matière attaquée par le temps et l’usure.

Le point de vue est aussi à noter. A de rares occasions, la caméra est placée dans la salle lors de répétitions : dans une ‘baignoire’ c’est-à-dire la loge située au rez-de-chaussée entre la scène et le parterre ; ou au ‘poulailler’, dernier étage des balcons. Mais le reste du temps, la caméra se trouve en coulisse lors des spectacles car les saluts attestent de la présence du public. Nous transportant ainsi sur le même plancher que foulent ces étoiles dansantes, ce point de vue nous fait goûter de petits plaisirs inédits : un retour dans le temps entre voyeurisme – la danse classique ne doit pas se voir de ces points de vue – et privilège – qui ne rêve pas de voir un spectacle à deux mètres de la scène.

C’est la première fois que ces archives 8mm sont partagées avec le grand public.